Rassemblement Des Démocrates Nationaux Progressistes (RDNP)
Août 2010
Changer la vie (*)
Table des Matières
I. Un état des lieux affligeant : la détresse haïtienne
1.- Le délabrement de notre environnement
2.- Notre insignifiance dans les relations économiques internationales
3.- La misère populaire
4.- Le découragement et la désespérance
II. L’option R.D.N.P. : les propositions de principe
1.- Un inventaire sérieux et systématique de nos ressources naturelles et
humaines
2.- Une évaluation de nos besoins
3.- La rupture avec l’archaïsme
4.-Une éthique du développement
5.- Le respect de la Constitution et des lois
6.- La recherche de la justice sociale
7.- Une exigence de transparence
8.- Le respect de la diversité sociale
9.- La recherche du local de qualité
10.- L’haïtianisation de l’éducation
11.- La promotion des PME
12.- L’établissement d’une solidarité
13.- Une réévaluation de la philosophie de l’aide étrangère
14.- L’aménagement interne de l’espace de développement
15.- La mobilité des prestations de service
16.- L’adoption d’une différenciation des stratégies de développement
17.- L’option régionale
18.-L’entretien et la conservation des acquis du développement
19.- Le bonheur comme objectif
III. Les chantiers de l’espoir : éléments pour une politique Sectorielle
A - L’agriculture et le développement rural
1.- Un problème de géographie physique
2.- Un problème agraire
3.- Un problème des moyens nécessaires pour un développement agricole
B. Vers l’essor industriel et commercial
1.- L’indentification de produits
2.- Le lancement de travaux d’infrastructure
3.- Un régime de protection modulée
4.- L’apport du capital privé
5.- L’apport du travail
6.- Les marchés
7.- Les axes du développement industriel
C. Valoriser nos ressources humaines
1.- La santé, un droit constitutionnel bafoué
2.- L’éducation
D. Un Pouvoir Service
1.- Urbanisme et logement
2.- Les services de base
E. La Réforme de l’Etat
1.- La création d’une Force d’Ordre Public
2.- La réorganisation de la structure gouvernementale et de
l’Administration Publique
3.- Une nouvelle approche de la décentralisation
4.- La création d’un Conseil Constitutionnel
F - La politique internationale
1.- Fondements et principes
2.- Le poids de la conjoncture récente
3.- Un Code de conduite
4.- Définition des axes prioritaires
5.- La réforme du service
6.- La mobilisation de nos compatriotes
*****
2010, et surtout après le désastre du 12 janvier qui a meurtri le pays, comme
il y a trente (30) ans, le R.D.N.P. lance un appel général pour un
rassemblement de toutes les forces unies de la nation, sans distinction, sur la
base du patriotisme, de la démocratie et de la justice sociale :
- La
jeunesse, généreuse et enthousiaste. Tous les jeunes, étudiants, paysans,
travailleurs pour assurer la relève générationnelle.
- Les
vaillantes femmes haïtiennes, de toutes catégories, de la courageuse
paysanne, à l’intellectuelle, de la marchande de « chin janbé » à la
professionnelle, pour qu’elles s’engagent dans la bataille politique et
qu’elles suivent l’exemple de nos Anacaona, Marie Jeanne, Claire Heureuse Dessalines,
les femmes du Bel Air, celles qui ont lutté avec Charlemagne Péralte,
celles qui militent dans les admirables mouvements féministes, les «
manman pitit» sans mari, les « fanm sou koté », toutes réunies pour que
triomphe l’égalité entre tous les citoyens.
- Les
intellectuels, techniciens, professionnels, pour qu’ils apportent leur
contribution à la reconstruction nationale.
- Toutes
les Eglises pour que, par delà la diversité des pratiques, elles
conduisent les fideles vers la renaissance morale dont nous avons besoin.
- Les
Haïtiens vivant à l’étranger, ceux qui sont demeurés Haïtiens, ceux qui
ont pris une autre nationalité, pour qu’ils collaborent à l’œuvre de
reconstruction nationale.
- Les
anciens membres des Forces Armées d’Haïti, pour qu’ils nous aident à
mettre sur pied cette Force de bien public dont le pays a besoin, en
collaboration avec la nouvelle Police Nationale, chacune selon ses
compétences et ses attributions, sous le contrôle du Pouvoir Exécutif.
- Les
membres actifs du secteur privé, entrepreneurs d’esprit moderniste,
conscients de leurs intérêts à transformer les citoyens en consommateurs,
nos structures de production, les relations de travail, au bénéfice de
tous.
Maintenant, plus que jamais, il nous faut nous rassembler, afin de gagner
la bataille de la triple modernisation : politique (la démocratie) économique
(développement durable), sociale (résorption des criantes inégalités sociales).
Dans notre poursuite de bien-être pour tous et du bonheur pour chacun, il ne
faut rien renier de bon dans les différentes valeurs constitutives de
l’héritage reçu, en osant nous prévaloir, de façon complémentaire et solidaire
:
- D’une
conception des privilèges de l’individu et des devoirs du citoyen qui nous
vient de la tradition gréco-latine ;
- D’une
conception de l’éminente dignité de la personne humaine qui nous vient de
la tradition humaniste chrétienne ;
- D’une
conception du dialogue social et du pacte communautaire qui nous vient de
la sagesse traditionnelle africaine ;
- D’une
conception des droits de l’homme et de l’esprit de libre entreprise qui
nous vient de la tradition libérale démocratique moderne ;
- D’une
conception de la justice distributive, de l’égalité et de l’équité sociale
qui nous vient de la tradition humaniste d’un socialisme pluraliste à
visage humain ;
- D’une
conception de l’égalité fraternelle des hommes par la réhabilitation de la
race noire et de toutes les ethnies opprimées qui nous vient de notre
tradition historique nationale.
I. UN ETAT DES LIEUX AFFLIGEANT : LA DETRESSE HAÏTIENNE.
Elle s’exprime à travers quatre (4) données essentielles :
1.- LE DELABREMENT DE NOTRE ENVIRONNEMENT : qui nous conduira à un « désastre
écologique » 40 millions d’arbres sont abattus chaque année contre 20 millions
qui se reproduisent spontanément, mais lentement, et 5 millions de plantés. Le
pays dispose de ressources naturelles en eau capable de satisfaire nos besoins,
mais cette eau est gaspillée, car la terre dénudée ne la retient pas ; elle
gonfle nos rivières et produits des inondations et le débit des rivières a
baissé de 60% entre 1950 et 1990 ; elle entraine vers la mer ce qui reste de la
couverture végétale (9% de la superficie totale en 1972, 1,25% maintenant).
2.- NOTRE INSIGNIFIANCE DANS LES RELATIONS ECONOMIQUES INTERNATIONALES : Il
faut faire face à la réalité : nous ne comptons pas, ni au niveau de nos
exportations traditionnelles, ni non plus en ce qui concerne nos importations ;
le marché haïtien est envahi par des « pèpè » de toutes sortes et par des
produits de la République Dominicaine voisine.
3.- LA MISERE POPULAIRE : 1% de la population dispose de 40% des richesses.
La faim tenaille 1 Haïtien sur 4 ; la maladie guette et frappe 1 Haïtien sur 3
; le chômage atteint 1 Haïtien actif sur 2 ; l’analphabétisme handicape et exclut
4 Haïtiens sur 5.
4.- LE DECOURAGEMENT ET LA DESESPERANCE : Au traditionnel et plutôt
sympathique « bon Dieu bon », les Haïtiens ont substitué ces slogans venus de
l’étranger « pays foutu », « pays malade » qui paralysent les énergies. Ils
n’ont plus foi en l’avenir, surtout les jeunes, désemparés et inactifs, et
songent à abandonner la patrie, soit de manière légale, soit comme « boat
people ».
De ce fait, la crise haïtienne que nous sommes en train de vivre et dont
certaines causes se retrouvent dans notre passé, se manifeste au niveau des
évènements, des comportements, des structures et des mentalités.
Il s’agit pour nous de poser les vrais problèmes, de leur trouver les solutions
appropriées, de reconstruire notre économie et de placer la population sur les
chemins de l’espérance.
II. L’OPTION R.D.N.P. : LES PROPOSITIONS DE PRINCIPE.
1.- UN INVENTAIRE SERIEUX ET SYSTEMATIQUE DE NOS RESSOURCES NATURELLES ET
HUMAINES. Avant tout, savoir combien nous sommes. 40% des Haïtiens ne disposent
pas d’état civil, ce qui les prive du premier droit élémentaire. Les différents
services de l’Etat (les Archives Nationales, le Service National de Contrôle et
d’Inspection de l’Etat Civil, SNCI, crée par le Décret du 20 août 1974, les 183
officiers pour toute la République placés sous la direction des 32 Commissaires
du Gouvernement) n’établissent pas de statistiques élémentaires et fiables
(naissances, mariages, décès) surtout dans les campagnes. Le R.D.N.P. s’engage
à unifier et moderniser.
2.- UNE EVALUATION DE NOS BESOINS dans tous les domaines (eau, routes,
centres de santé, établissements d’enseignement, nourriture) tant au niveau
individuel que collectif.
3.- LA RUPTURE AVEC L’ARCHAÏSME tout en valorisant nos traditions archaïsme
économique, social, aussi bien mental, qui inhibe le progrès. En même temps,
récupération de notre patrimoine culturel, le savoir empirique et le
savoir-faire paysans, afin d’allier le moderne et le traditionnel.
4.- UNE ETHIQUE DU DEVELOPPEMENT fondée sur des principes moraux : respect
de la vie, de la liberté et des droits humains, afin de promouvoir la dignité
de tous.
5.- LE RESPECT DE LA CONSTITUTION ET DES LOIS, au besoin, en opérant les
révisions nécessaires, afin de garantir l’Etat de droit.
6.- LA RECHERCHE DE LA JUSTICE SOCIALE, par la résorption progressive des
injustices de tous ordres.
7.- UNE EXIGENCE DE TRANSPARENCE, en combattant, par la loi, par l’exemple
et les sanctions la corruption qui gangrène nos institutions.
8.- LE RESPECT DE LA DIVERSITE SOCIALE, par la tolérance et le respect des
croyances et des convictions, tout en établissant les bases de la cohésion
sociale.
9.- LA RECHERCHE DU LOCAL DE QUALITE, (nourriture, vêtements, etc.) à
privilégier par rapport à ce qui est importé.
10.- L’HAÏTIANISATION DE L’EDUCATION, par l’alliance féconde des bienfaits
d’un savoir universel et des nécessités locales.
11.- LA PROMOTION DES PME, petites et moyennes entreprises, capables
d’attirer les investisseurs locaux et étrangers.
12. L’ETABLISSEMENT D’UNE SOLIDARITE, active entre les Haïtiens de
l’intérieur et de l’extérieur.
13.- UNE REEVALUATION DE LA PHILOSOPHIE DE L’AIDE ETRANGERE, nécessaire,
mais à valoriser selon nos besoins et en tenant compte des conditions offertes,
afin d’améliorer notre capacité de négociation.
14.- L’AMENAGEMENT INTERNE DE L’ESPACE DE DEVELOPPEMENT. Nous proposons
l’installation de « Maisons du peuple » à travers le pays qui serviront, à la
fois, de lieux de performances locales, de formation sociale, d’éducation
communautaire et de foyers culturels.
15.- LA MOBILITE DES PRESTATIONS DE SERVICE pour amener celles-ci aux
citoyens (cliniques, cabinets dentaires, théâtres, bibliothèques ambulants).
16.- L’ADOPTION D’UNE DIFFERENCIATION DES STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT
adaptées aux différents espaces du territoire qui conservent leur spécificité.
17.- L’OPTION REGIONALE comme cadre du développement, c’est-à-dire, la
reconnaissance, par delà le compartimentage traditionnel pétrifié dans les
collectivités Territoriales, d’un espace plus adapté à un programme de
développement durable.
18.- L’ENTRETIEN ET LA CONSERVATION DES ACQUIS DU DEVELOPPEMENT sous la
responsabilité d’un Service National d’Entretien et de Conservation du
Patrimoine National, avec des divisions spécialisées (routes, parcs automobiles,
bâtiments, équipement lourd, monuments historiques, parcs naturels).
19.- LE BONHEUR COMME OBJECTIF. Non par l’accumulation, sans fin, des biens
matériels, mais par la recherche d’un minimum de bien-être matériel, la
satisfaction des besoins primaires légitimes pour tous.
III. LES CHANTIERS DE L’ESPOIR : ELEMENTS POUR UNE POLITIQUE SECTORIELLE
Dans ce pays où est tout est priorité, la question essentielle n’est pas
d’identifier le domaine absolu mais de définir une stratégie globale qui
intègre, par étapes planifiées, les solutions appropriées de manière à les
coordonner afin de maximiser leurs effets.
A - L’AGRICULTURE ET LE DEVELOPPEMENT RURAL
On nous a toujours enseigné qu’Haïti était un pays agricole. Cependant ce
secteur d’activité qui occupe une bonne partie de la population, présente une
série de problèmes auxquels il convient d’apporter les solutions adéquates :
1.- UN PROBLEME DE GEOGRAPHIE PHYSIQUE. Le relief est montagneux à 80%.
Ainsi, il s’agira de différencier les cultures de plaines (produits de
consommation pour tendre à l’autosuffisance alimentaire) et celles de collines
(produits destinés à l’exportation tels le café, le cacao). Le régime pluvial
inégal et irrégulier, alternant sécheresse, précipitations et cyclones (de juin
à novembre) rend nécessaires d’une part une politique d’irrigation, de l’autre
de la protection des bassins versants. Par ailleurs même si nous ne nous en
rendons pas compte, individuellement et spontanément, le réchauffement de la
planète, entre 0,7 et 1 degré, devrait nous alerter sur les risques de
sécheresse, avec un impact direct sur le rendement agricole.
2.- UN PROBLEME AGRAIRE. Le régime historique de propriété associe de
grands domaines de l’Etat et aussi la micropropriété du paysan en raison des
réformes agraires qui ont morcelé les portions. Il a été calculé qu’il y a, en
Haïti, seulement un milieu d’exploitations de 100 à 300 carreaux et quelques
plantations dépassant 1000 carreaux. La politique agraire devra commencer par
l’établissement d’un cadastre précis, l’application d’une réforme agraire par
la distribution contrôlée des terres de l’Etat et un remembrement fictif qui
conserve les titres de propriété individuels et la constitution des espaces
d’exploitation de dimension rentable dans le cadre des coopératives à
encourager, équiper et protéger.
3.- UN PROBLEME DES MOYENS NECESSAIRES POUR UN DEVELOPPEMENT AGRICOLE :
- modernisation
des instruments techniques, (faire passer le paysan de l’âge de la houe,
de la serpette et de la machette à celui de la charrue et des motoculteurs
individuels) ;
- la
disponibilité en eau au moyen de l’irrigation ;
- la
solution à apporter à la question de l’énergie de manière à supprimer la
coupe des arbres ;
- l’aménagement
d’une politique d’engrais et de crédit agricole ;
- la mise
en œuvre d’un programme de dératisation ;
- la
modernisation des circuits pour associer la production et la distribution
commerciale ;
- la
fourniture des matières premières à l’agro-industrie ;
- la
définition d’une politique d’exportation de produits pour lesquels le pays
a acquis un avantage commercial comparatif, particulièrement sur le marché
caraïbe ;
- la
réduction de la dépendance alimentaire
L’exemple du riz est significatif à cet égard : la consommation devenue
nationale s’élève à 450.000 tonnes par an alors que la production ne dépasse
pas 130.000 tonnes. Dans un premier temps il s’agira de satisfaire ce besoin
alimentaire par l’importation puis de réduire celle-ci par une politique
d’amélioration quantitative et qualitative de la production locale.
L’objectif est aussi la qualité de la vie rurale par l’éducation, la sante et
une dose de modernité dans les techniques de production agricole. En fait, ce
dont il s’agit c’est, enfin, d’une véritable promotion de la paysannerie.
B. VERS L’ESSOR INDUSTRIEL ET COMMERCIAL
Le R.D.N.P. s’engage à placer le pays sur la voie de la modernisation associant
l’agriculture (base de l’activité principale), l’industrie qui est son
complément naturel, et le commerce son débouché.
A partir d’un état des lieux qui met en évidence les atouts et les acquis, le
R.D.N.P. propose une stratégie industrielle fondée sur les éléments suivants :
1.- L’INDENTIFICATION DE PRODUITS et d’activités pour lesquels le pays
jouit d’un avantage comparatif (position géographique, exclusivité de la
production, expertise de la main d’œuvre).
2.- LE LANCEMENT DE TRAVAUX D’INFRASTRUCTURE afin de réduire les coûts de
production (eau, électricité, routes, aménagement portuaire, création de pôles
de développement et de zones franches).
3.- UN REGIME DE PROTECTION MODULEE en fonction de la nature des activités
et de leur capacité de dynamiser l’économie.
4.- L’APPORT DU CAPITAL PRIVE : modernisation du Code d’investissement ;
• Offre d’exemptions fiscales raisonnables (5 ans suivis de 5 autres années de
taxation à 10%) ;
• Flexibilité en ce qui concerne les franchises douanières à accorder non sur
la base de «moun pa » mais comme incitation à l’investissement ;
• La négociation avec les pays étrangers afin d’éviter la double taxation des investisseurs
étrangers.
5.- L’APPORT DU TRAVAIL. Il doit être compris d’abord en fixant dans une
révision sérieuse du Code du Travail les conditions de l’activité, aussi bien
dans le secteur public (l’Etat doit donner l’exemple du sérieux et du
professionnalisme en ce qui concerne l’emploi dans la Fonction Publique), que
dans les activités privées.
La population active représente 46.55% des habitants de plus de 10 ans. Le taux
d’inactivité est donc de 53,5%, soit 3,4 millions de personnes. Dans la catégorie
de chômeurs on trouve 53% qui travaillent pour la première fois, 16%
ex-travailleurs et 31% qui n’ont jamais travaillé et, découragés, ne cherchent
plus un emploi. Aussi, nous constatons une sous-utilisation de la main-d’œuvre
et un gaspillage du potentiel humain.
La modernisation ne doit pas se limiter à l’épineuse question du salaire
minimum dont les débats, tardifs, ont faussé le sens et la portée au niveau
mondial par le salaire indexé sur le coût de la vie comme critère plus conforme
aux objectifs du développement.
La polarisation actuelle porte le R.D.N.P. à appuyer la proposition des 200
gourdes. Mais il préconise le respect de l’indexation progressive sur le cout
de la vie et l’adjonction d’avantages parallèles, de caractère social, pour
améliorer les conditions de travail.
Un point important est la modernisation des relations tripartites Etat,
régulateur, arbitre et contrôleur des secteurs de commandement stratégique de
l’économie, le secteur privé organisé et les syndicats des travailleurs, quel
que soit le secteur. La modernisation de l’économie passe par un apaisement des
relations de travail.
6.- LES MARCHES. Le principal est le marché national. Il est encore étroit
car les 8 millions d’Haïtiens ne sont pas 8 millions de consommateurs. Il est
calculé qu’un bébé suisse, américain ou français, par nature non producteur,
consomme en biens et services, bien avant sa naissance, 10 à 15 fois plus qu’un
adulte haïtien, par nature producteur. Il y a là un défi à relever car les
clients prioritaires de la production nationale sont les Haïtiens. Aussi, il
conviendra d’aménager les marchés tant ruraux qu’urbains. Mais il faut aussi
viser le marché extérieur, en promouvant l’exportation :
• Choix des produits pour lesquels le pays jouit d’un avantage comparatif ;
• Simplification des formalités ;
• Adoption de mécanismes souples de protection ;
• Recherche de marchés de préférence régionaux particulièrement l’espace
intégré de la CARICOM ;
• Campagne de promotion de produits haïtiens à l’étranger ;
• Protection par l’Etat, du secteur privé haïtien, agent indispensable de la
production.
7.- LES AXES DU DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL : Le R.D.N.P. en a identifié 10
vers lesquels il conviendra d’orienter la politique industrielle :
• L’agro-alimentaire, transformation des produits tels que les fruits et
légumes, les poissons, les huileries ;
• La technologie des compresseurs : évaporateurs, condensateurs, congélateurs ;
• Les engrais de fabrication locale tels que les fumiers organiques, ce que
nous appelons les « compostes ;
• L’industrie mécanique : mécaniciens, réparateurs;
• Les industries de la construction : sable, granit, bois, céramiques,
cimenteries, adoquins à développer pour le pavage des routes.
• L’industrie textile : filatures, tissage, confection ;
• La sous-traitance qu’il ne faut pas négliger : récupération des 100.000
emplois perdus pour cause d’embargo, rendue possible par une exploitation
judicieuse des lois HOPE.
• Le secteur artisanal et artistique : meubles, vannerie, arts décoratifs ;
• L’industrie pharmaceutique par la modernisation de l’usage des plantes
thérapeutiques, car le pays dispose d’une pharmacopée utilisée de manière
préscientifique ;
• L’industrie touristique – Le pays a perdu le monopole qu’il détenait comme
pionnier de la Caraïbe dans ce secteur. La relance nécessaire devra tenir
compte de l’avance prodigieuse des grands pôles que sont les Bahamas, Cuba, la
République Dominicaine : augmentation du nombre de chambres d’hôtel de qualité
variée, exploitation des sites naturels, des vestiges du passé et du patrimoine
culturel (danses, peinture, activités vaudouesques, etc.).
C. VALORISER NOS RESSOURCES HUMAINES
Le R.D.N.P. a identifié trois piliers sur lesquels il fonde ses propositions :
la santé, l’éducation, la culture.
1.- LA SANTE, UN DROIT CONSTITUTIONNEL BAFOUE. L’offre actuelle est
quantitativement dérisoire et qualitativement inadéquate : l’Etat y consacre
moins de 10% du Budget et moins de 3% du PIB national. Le résultat est une
criante inégalité de l’accès au médecin, aux médicaments et aussi devant la
mort (mortalité infantile de 79 pour 1000, mortalité maternelle de 123 pour
1000. Les femmes haïtiennes les plus défavorisées continuent « d’enfanter dans
la mort ».
Le pays compte, comme substituts :
• L’action de certaines ONG ;
• L’assistance cubaine ;
• Les ressources de la médecine populaire, savoir ancestral des sages-femmes
qui aident à la naissance de la majorité de nos concitoyens et qu’il s’agit de
conserver et de compléter par une formation de la médecine scientifique ;
• Expertise des « doctè fey » au pouvoir limité mais encore utile ;
• Usage de la pharmacopée naturelle et des « simples ».
Le R.D.N.P. propose une politique de santé publique axée sur :
• Une orientation prioritaire vers la spécialisation en médecine tropicale ;
• La priorité à la prévention par le dépistage, la vaccination obligatoire ;
• Une politique de salubrité publique : contrôle des produits de consommation,
assainissement de l’eau, lutte contre la malnutrition ;
• Priorité aux soins primaires, en particulier au bénéfice des enfants, des
femmes enceintes et des vieillards ;
• La promotion du sport, particulièrement dans les écoles.
L’organisation des services de santé.- Le R.D.N.P. en propose quatre niveaux :
• A la base, des centres de santé primaire dans les 565 sections communales,
intégrés dans les « maisons du peuple » ;
• Au niveau des 142 communes, des dispensaires – hôpitaux ayant, chacun, sous
sa juridiction, 8 à 10 centres de santé ;
• Les 43 arrondissements accueilleraient des établissements plurifonctionnels
avec l’équipement approprié ;
• Au niveau de la région, englobant 2 ou 3 Départements, des hôpitaux modernes,
intégrés à des Ecoles de Médecine, associés à des Centres de recherche
scientifique ;
• Enfin, dans la zone métropolitaine des hôpitaux de pointe, de type
international (Port-au-Prince, Martissant, Delmas, Pétion-ville,
Croix-des-Bouquets).
Un tel système réclame une planification, des moyens financiers et surtout la
volonté politique.
2.- L’EDUCATION. Le bilan actuel qui ne cesse de s’aggraver, est préoccupant :
• 55% d’analphabètes ;
• Une éducation au rabais ;
• La prolifération des écoles « borlette », qui devront disparaitre mais qui
remplissent pour l’instant une fonction de service public ;
• Des méthodes pédagogiques obsolètes ;
• La surcharge des classes ;
• La carence au niveau de la formation des maitres ;
• L’inadaptation du contenu au réel vécu ;
• Et, par-dessus tout, des criantes inégalités au niveau de l’offre et de la
fréquentation scolaire.
L’offre de l’Université d’Etat est insuffisante pour répondre à la demande et
aux besoins ; des universités privées dont les meilleures sont l’Université
Quisqueya et l’Université Notre Dame, ne reçoivent pas de subventions de l’Etat
et plus d’une centaine d’autres ont bourgeonné dans le panorama, sans contrôle,
ce qui fait dire qu’à côté des écoles « borlette », le pays risque de compter
avec des universités « borlette ». Comme conséquence de ces insuffisances
15.000 jeunes haïtiens poursuivent leurs études dans les Universités de la
République Dominicaine.
Le R.D.N.P. propose un plan général d’éducation qui tienne compte, à la fois,
de l’urgence des besoins, des retards accumulés, de la nécessité de sortir de
l’archaïsme pour entrer dans la modernité, la recherche, des moyens (ressources
humaines et financières) et la prise en compte des fonctions scientifique,
économique et politique assignées à l’éducation.
• Une campagne massive d’alphabétisation soutenue, renforcée par un suivi
indispensable afin d’éviter les pertes dues à l’illettrisme ;
• L’uniformisation de l’enseignement fondamental public, par l’association du
formel et du non formel ;
• Le recours planifié aux méthodes audiovisuelles ;
• La massification de l’offre scolaire sans médiocratisation ;
• L’intégration de l’école à la vie de la communauté, à commencer par la
fabrication locale des manuels appropriés ;
• L’éducation formelle à rendre polytechnique au niveau du secondaire, par des
méthodes novatrices, la valorisation des métiers manuels.
• La restructuration du cycle scolaire marqué par des étapes à reconsidérer et
à répartir à l’intérieur de la tranche classique des 12 années scolaires
(certificat, la 9e année fondamentale sans examen d’Etat, le baccalauréat).
Mais il conviendra aussi de moduler ce circuit afin d’introduire la voie
professionnelle à partir de la 3e. Le baccalauréat devra être repensé sans la
scission rhéto-philo et remplacé par un examen diversifié à partir d’un tronc
commun, selon trois orientations : littérature (accent mis sur les sciences
sociales), scientifique (accent mis sur les sciences physiques et les sciences
de la nature), technique (accent mis sur les métiers manuels).
• La réorientation du contenu de manière à l’adapter aux besoins du milieu :
ainsi, toutes les sections devraient intégrer d’une part l’éducation civique,
pour apprendre aux jeunes leurs devoirs et leurs droits de citoyens, de l’autre
l’éducation écologique par une sensibilisation sur les problèmes de
l’environnement (données de base de la technologie, la science des tremblements
de terre et des cyclones, la nécessité de protéger le cadre de vie). Une
véritable pédagogie citoyenne.
• La mise en place et le fonctionnement d’un Centre Haïtien de la Recherche
Scientifique destiné à être un conservatoire de savoirs empiriques, un
laboratoire pour préciser et quantifier leurs propriétés et un organe de
diffusion de leur utilisation.
• La valorisation de la fonction enseignante : mise en place d’un statut de
l’enseignant, public et privé, des mécanismes de formation et de recrutement,
la sécurité de l’emploi, la durée réglementaire du travail, les avantages
sociaux (santé, assurance diverses).
• La création de Centres spécialisés au bénéfice des jeunes délinquants, des
enfants des rues (environ 3000) une fois prouvé qu’ils sont abandonnés.
Le R.D.N.P. propose la suppression définitive de la pratique ancestrale des «
restavek », la récupération de ces jeunes et leur réintégratios dans leur
famille originelle.
Ces réalisations réclament du temps et surtout de l’argent. Actuellement, les
dépenses d’éducation représentent moins de 10% du Budget National et moins de
3% du PIB avec moins de 20% provenant du Trésor Public. Il faudra augmenter cet
investissement nécessaire, compter sur l’effort citoyen privé et la compréhension
d’organismes internationaux qui manifestent de l’intérêt pour l’éducation.
3- LA CULTURE
Elle est, en partie, associée à l’éducation, mais elle réclame un traitement
autonomie.
Le potentiel artistique et culturel du pays est impressionnant (musique, sculpture,
peinture, littérature, danse) avec des sources d’inspiration variées,
originales et fécondes (la nature, l’histoire, le vodou, nos rêves et même nos
fantasmes).
Mais c’est une activité insuffisamment valorisée :
• Gaspillage de talents de nos artistes découragés et frustrés ;
• Sclérose et même dégénérescence de la production ;
• Envahissement de la vie nationale par des emprunts extérieurs de mauvaise
qualité ;
• Une propension du public à préférer ce qui est importé, même médiocre, par
rapport au local.
Le R.D.N.P. s’engage à mettre en pratique une vraie politique culturelle :
• Valorisation du patrimoine par sa vulgarisation en Haïti et sa protection par
des lois existantes mais insuffisantes : par exemple seuls 33 monuments sont
classés et le laxisme des autorités bloque l’application des dispositions
juridiques et des conventions internationales signées par le pays.
• Protection des produits en contrôlant leur exportation par une législation
stricte qui, tout en respectant la liberté de l’artiste et les droits
d’éventuels acheteurs étrangers séduits par notre production, conserver les
chefs d’œuvre sur le sol national ;
• L’acquisition systématique par l’Etat des œuvres d’art pour enrichir les
Musées nationaux (de la capitale et des provinces, et des exemplaires de la
production littéraire pour encourager la lecture et aussi les auteurs, dans un
pays où il y a des Imprimeries mais pas assez de maisons d’édition, ce qui
condamne à publier « à compte d’auteurs ». Il conviendra d’envisager la réduction
des droits de douane sur les produits tels que le papier, l’encre, les
machines, afin d’aider à faire baisser le coût de l’impression des livres, des
journaux et des revues.
• La coordination institutionnelle par le regroupement fonctionnel des organismes
existants classés « culturels » mais dissociés : la Bibliothèque Nationale et
ses filiales à étendre, l’ISPAN, le Bureau d’Ethnologie, le Théâtre National,
l’ENARTS, la Commission de coopération avec l’UNESCO, les Musées nationaux.
• L’encouragement à apporter aux manifestations culturelles, des
traditionnelles et folkloriques, tel un Carnaval qu’il faudra rénover pour le
sortir de la vulgarité qui l’a envahi, à de plus récentes telles « Livres en
folie », les manifestations organisées lors des fêtes régionales (« Fête de la
mer à Pestel ») ou patronales.
• Création d’un Ordre des Arts et de la Culture en vue de récompenser ceux qui
auront contribué à l’enrichissement du patrimoine culturel et artistique.
• La prospection systématique des vestiges culturels du passé (sites
archéologiques) partitions musicales, manuscrits, photographie, monuments, en
vue de leur restauration, leur protection, la mise en évidence de leur intérêt
pour la connaissance de notre passé et de l’homme haïtien.
D. UN POUVOIR SERVICE
La finalité de toute politique de développement économique et social est
l’amélioration du cadre et des conditions de vie de la population,
particulièrement des plus démunis, sur la base de l’association féconde entre
la compétence, le sérieux et l’honnêteté.
Le pouvoir d’Etat, devenu pouvoir Service entre les mains du R.D.N.P., se
propose d’identifier les espaces de ce bien-être et les conditions de leur
aménagement.
1 - URBANISME ET LOGEMENT
A la capitale, comme dans plusieurs villes de province, l’état des lieux est le
même : hyper concentration humaine, insalubrité, développement des quartiers
précaires, insuffisance des services d’adduction d’eau, de drainage.
Le R.D.N.P., en toute lucidité, ne prévoit pas une déconcentration naturelle et
le renversement de la tendance migratoire. Ceux qui se sont installés dans les
villes et surtout à Port-au-Prince y resteront. La stratégie consiste, dans un
premier temps, à stopper le flux, à fixer la population dans son lieu d’origine
en développant des pôles économiques d’attraction.
En même temps, il s’agira de réduire les effets négatifs de la concentration
humaine par la destruction des quartiers dangereux mais accompagnée d’une
politique de logements sociaux de remplacement.
2 - LES SERVICES DE BASE
• La détermination des responsabilités entre l’Etat et les Municipalités en ce
qui concerne le ramassage et le traitement des ordures ménagères. Sur cette
question, le R.D.N.P. étudie la possibilité de privatiser le service sous le
contrôle de l’Etat ;
• L’installation de fontaines publiques, gérées sainement, avant de pouvoir
apporter l’eau aux robinets des foyers ;
• Le règlement effectif de la question de fourniture électrique afin de
supprimer les prises clandestines et dangereuses, par l’accroissement de la
fourniture, l’entretien du matériel, la recherche systématique de sources
alternatives (énergie solaire, éolienne, la biomasse) ;
• L’installation planifiée de 500.000 nouvelles lignes téléphoniques pour
répondre, partiellement, à la demande, les 3 millions d’appareils portables
assurés par les 3 compagnies privées (HAITEL, COMCEL et DIGICEL) ne devraient
pas remplacer les services de la TELECO dont le statut (semi-public ou service
public) devra être soigneusement analysé afin qu’elle remplisse son rôle de
service public.
• La lutte contre la corruption, en priorité en ce qui concerne la gestion des
derniers de l’Etat. C’est une exigence pratique et morale. Le R.D.N.P. s’engage
à la rendre possible par la Loi, l’exemple et les nécessaires sanctions appliquées
équitablement, sans parti-pris.
E - LA REFORME DE L’ETAT
Le R.D.N.P. met l’accent sur 4 éléments :
• La création d’une Force d’Ordre Public ;
• La réorganisation de la structure gouvernementale et de l’Administration
Publique ;
• Une nouvelle approche de la décentralisation ;
• La création d’un Conseil Constitutionnel.
1 - LA CREATION D’UNE FORCE D’ORDRE PUBLIC
A cet égard, le R.D.N.P. rappelle la position qu’il a toujours prise en faveur
non du rétablissement des Forces Armées, encore constitutionnellement présentes
mais pratiquement disparues, mais de la création, à côté de la Police, d’une
Force d’Ordre Public, techniquement moderne, répondant à trois objectifs :
démocratisation, professionnalisation, mise au service du développement.
Le R.D.N.P. préconise, par ailleurs, la création d’un Institut des Hautes
Etudes de la Défense Nationale offrant à des militaires mais aussi à des
civils, une formation académique (stratégie, géopolitique, exercices de
simulation face aux catastrophes naturelles), morale (discipline, Code de
conduite), civico-politique (particulièrement respect des droits humains),
sociale (rapports civils-militaires, stages à l’étranger).
Il recommande la spécialisation des Forces de Police en 5 branches spécialisées
:
• Protection des citoyens et de leurs biens, en collaboration avec les Polices
Municipales ;
• La police judiciaire, auxiliaire de la Justice, spécialisée en matière de
recherche criminelle ;
• La surveillance de frontières et des voies de communication sous l’autorité
du Ministère de la Sécurité Publique ;
• celle des forets, des bois et des ressources minérales ;
• Une police forestière avec une double tâche répressive pour lutter contre le
déboisement, et éducative ; elle serait rattachée à un Ministère de l’Environnement
;
• Un corps spécialisé pour faire face aux catastrophes naturelles (secousses
sismiques, inondations lors de la saison des pluies et à l’occasion des
cyclones. Sur ce dernier point, la mobilisation sera double : Police et Force
d’Ordre Public.
Par ailleurs, le R.D.N.P. imposera l’éducation de la population dans les
écoles, dès le cycle primaire, dans les Associations afin de dissiper la
croyance qu’un cyclone est une force de « madichon », en exposant sa formation,
sa fréquence, son trajet.
Au sujet de la MINUSTAH, la position du R.D.N.P. est connue : la présence de
forces militaires étrangères sur le sol national est anticonstitutionnelle et
anormale. Elle a toutefois été demandée par un Gouvernement haïtien, décidée en
fonction d’une résolution du Conseil de Sécurité au pouvoir coercitif, même si
la situation qui prévalait ne correspondait pas aux motifs évoqués dans le
chapitre VII de la Charte de l’ONU.
Un départ précipité, total, intempestif de la MINUSTAH aggraverait les
problèmes sécuritaires. Nous demandons l’application progressive d’un retrait
(un « phasing out ») accompagné par le remplacement par des unités de la Force
d’Ordre Public.
Nous avons besoin de l’assistance des institutions spécialisées du système des
Nations Unies (PNUD, UNESCO, OMS, etc.) et nous estimons que l’organisation
universelle serait mieux accueillie par la population qui tolère de moins en
moins l’envahissement de la MINUSTAH dans la vie civile et la complaisance du
Gouvernement qui cède, de plus en plus, des espaces de souveraineté.
2 - LA REORGANISATION DE LA STRUCTURE GOUVERNEMENTALE ET DE L’ADMINISTRATION
PUBLIQUE
En Haïti, la question essentielle ne s’analyse pas en ces termes classiques du
« trop d’Etat » mais plutôt de « pas assez d’Etat ».
A cet égard, les thèses ultra libérales sont nocives et les utopies nées du
marxisme appartiennent déjà au passé. Ce qu’il nous faut, c’est une certaine
qualité d’Etat, ni autoritaire, ni Providence.
La réforme se base sur une restructuration des mécanismes gouvernementaux, pas
une approche transversale des fonctions conduisant à leur traduction
institutionnelle (exemple : un Ministère de l’environnement incluant des
responsabilités dans divers domaines : agriculture, aménagement du territoire,
communication). Le souci de rationalisation peut aussi conduire à la création
de nouvelles entités pas nécessairement de nature ministérielles (exemple,
Secrétairerie mise sur pied, en 1988, chargée de la Condition Féminine).
L’Administration Publique n’est pas pléthorique avec quelques 50.000 employés,
mais elle est inefficiente et routinière : au lieu de fixer un chiffre plafond,
il convient d’identifier les fonctions et surtout d’exiger des employés publics
le professionnalisme, le sérieux et le sens du service.
3 - UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA DECENTRALISATION
Saluée comme étant une des grandes innovations de la Constitution de 1987, la
décentralisation n’a pas réussi à répondre aux attentes de la population.
Il s’agissait, en effet, de concilier deux exigences : l’application du
principe démocratique qui consiste à associer les populations à la prise en
charge de certaines responsabilités locales ; la fourniture des services de
base.
Mais plusieurs éléments en bloquent l’efficacité :
• La décentralisation a été conçue contre l’Etat alors qu’il revient à celui-ci
d’enclencher, de financer et d’accompagner le processus ;
• Le découpage administratif dont certains niveaux remontent à l’époque
coloniale, crée un enchevêtrement institutionnel :
- 565 sections communales (englobant quelques 12.000 habitations, elles-mêmes
des « lakous ») auxquelles correspondant autant de CASECs et d’ASECs ;
- 142 Communes avec autant de Conseils et d’Assemblées ;
- 10 Départements enfermant 10 Conseils et 10 Assemblées ;
- Coiffant le tout, un Conseil Interdépartemental.
Ces différentes institutions, élues ou nommées, ne fonctionnent pas :
• L’inexistence d’une définition précise de la notion d’autonomie
administrative et financière.
Le R.D.N.P. propose de conserver l’idéal mais de le réaliser de manière
progressive et raisonnable ;
• La nécessité repenser le découpage territorial avec pour objectif
d’identifier des unités sur la base de la localisation géographique et de
l’importance de la population ;
• La redéfinition du rôle des Collectivités Territoriales. Exemple l’Article
175 de la Constitution de 1987 qui les introduit dans le processus de
nomination des Juges, ce qui n’est pas de leur compétence ;
• L’intervention des instances de l’Etat afin d’aider, dans un premier temps,
les communes à exister réellement. Seules celles de la zone métropolitaine se
subviennent à elles-mêmes ; les autres dépendent de l’Etat même pour payer les
salaires ;
• L’introduction de la notion de décentralisation économique et fonctionnelle,
par un inventaire sérieux des ressources naturelles afin de créer des pôles de
développement ;
• Par delà les unités institutionnelles, l’adoption de la notion de régions. On
peut en identifier quatre : le Grand Nord, regroupant les Départements du
Nord-Ouest, du Nord et du Nord-Est ; la Région Centrale englobant l’Artibonite
et le Centre ; l’Ouest déjà étendu, avec éventuellement, une extension dans le
Sud-Est ; enfin le Sud, la Grande-Anse et les Nippes formant une large entité
de développement.
4 - LA CREATION D’UN CONSEIL CONSTITUTIONNEL
L’activité politique a révélé les failles, insuffisances et inadéquations du
texte voté en 1987. Il ne s’agit pas de le sacraliser mais de le respecter
d’abord, de le réviser ensuite.
Le R.D.N.P. a déjà, publiquement, communiqué son option en faveur d’une
nouvelle Constitution ; mais les conditions nécessaires au travail sérieux,
compétent et neutre d’une Assemblée constituante ne sont pas actuellement
réunies. Aussi, il appuie une procédure d’amendement, mais en stricte
application des dispositions prévues par la Constitution (Titre XIII, Article
282 à 284.4)
Parmi les réformes nécessaires, il propose la mise en place d’un Conseil
Constitutionnel, formé de citoyens compétents, totalement indépendants des
trois Pouvoirs, mais nommés par eux, chargé de contrôler la conformité de tous
les Actes de l’Etat avec la Constitution, aussi bien une loi qu’une décision de
justice. Il estime, par ailleurs, qu’il devrait disposer du pouvoir
d’auto-saisine, avant la promulgation d’une loi, par exemple, avec pour effets
la suspension de la procédure et aussi, celui d’annuler une décision de
justice, non sur le fond, mais en ce qui concerne son caractère
constitutionnel. Les avis seraient sans appel.
Par ailleurs, une de ses missions serait aussi de se prononcer sur les dossiers
présentés par des candidats et sur la régularité des scrutins, afin d’enlever
cette responsabilité aberrante au Conseil Electoral, ce qui place celui-ci dans
la position d’être juge et partie.
F - LA POLITIQUE INTERNATIONALE
Le R.D.N.P. met en évidence des fondements et des principes, tient compte de la
conjoncture récente, propose un Code de conduite, identifie des axes
prioritaires de solidarité et envisage une reforme conceptuelle et une
réorganisation structurelle des instruments de la diplomatie.
1 - FONDEMENTS ET PRINCIPES
Il s’agit de ne pas oublier ce qu’est Haïti :
• Un petit pays selon les paramètres classiques de la puissance internationale
(superficie, population, ressources naturelles) ;
• Un pays pauvre en état critique de sous-développement, avec une fiche
identitaire accablante ;
• Un pays caraïbe qui met en évidence sa position à l’égard de ses voisins ;
• Un pays à dominante ethno-culturelle d’origine africaine, ce qui a forgé sa
spécificité dans le milieu latino-américain ;
• Une nation dépositaire d’une histoire glorieuse : nous avons fait 1804 mais
il convient de ne pas figer dans notre mémoire l’épopée de l’indépendance et
oublier les réalisations positives de 2 siècles ;
• Un conservatoire de succès et d’échecs.
2 - LE POIDS DE LA CONJONCTURE RECENTE.
Elle est marquée par une situation de dépendance économique et surtout
politique : en 11 ans, 7 opérations militaires, une des Etats Unis et six de
l’ONU dont la dernière en date de la MINUSTAH, décidée en 2004, est de moins en
moins tolérée dans le pays, car elle le place en situation de tutelle effective
sinon juridique.
3 - UN CODE DE CONDUITE
Les turbulences politiques, l’incivisme, l’irresponsabilité des dirigeants
actuels ont fait du pays un objet des Relations Internationales au lieu d’être
un sujet.
Il s’agit d’entamer un redressement, fait de lucidité et de sérieux. Manifester
de la dignité sans arrogance stérile, recourir à la négociation plutôt qu’à la
confrontation, connaitre les mécanismes des relations internationales de plus
en plus professionnalisés (pour cela nous avons les compétences en Haïti et
dans la diaspora).
4 - DEFINITION DES AXES PRIORITAIRES
Notre position, nos traditions et nos besoins nous commandent de rechercher nos
intérêts dans l’amitié. Pour cela, il s’agit de définir des cercles
concentriques de solidarité.
• Avec la République Dominicaine : sans oublier le passé, l’asymétrie actuelle
des relations économiques, le sort de nos compatriotes parmi les exploités, un
racisme qui demeure dans certains milieux, il s’agit de repenser les modalités
de nos relations, par la recherche de solutions concertées aux principaux
problèmes (conséquences de l’émigration, les eaux frontalières)
• Avec la Caraïbe anglaise : envisagée depuis 1974, l’adhésion d’Haïti à la
CARICOM s’est faite de manière plutôt expéditive, sans un examen attentif des
avantages mais aussi des servitudes de l’intégration économique, en particulier
le Tarif Extérieur Commun, la libre circulation des personnes, des biens et des
services.
Il s’agira de repenser et, éventuellement, de renégocier certains thèmes de
l’adhésion à la CARICOM et songer à remplacer celle-ci, trop contraignante par
des accords plus souples de coopération techniques et ponctuels.
• Avec le groupe ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique) qui nous lie à l’Union
Européenne, un des principaux bailleurs de fonds. C’est un axe de coopération
multinationale Nord-Sud, qui a un peu perdu de son intérêt, mais à partir
duquel le pays peut négocier des avantages mieux qu’il ne l’a fait jusqu’ici.
• Avec Cuba, devenu un partenaire dans des domaines précis, la santé et la
pêche. Ce pays envisage sa réintégration dans le milieu continental et semble
ainsi abandonner son prosélytisme agressif en faveur du communisme. Il y a
lieu, avec prudence, de considérer les conditions d’une collaboration dans des
domaines où il détient une expertise utile.
• Avec Etats Unis et d’autres pays du Nord. Le bloc septentrional (Etats Unis –
Canada) est non seulement un puissant voisin, mais il accueille près de 1,5
millions de nos compatriotes. Sans forfanterie mais aussi sans illusion, il
faut s’efforcer de tirer d’eux le meilleur : expertise technologique,
assistance financière, expérience démocratique non à reproduire mais dont on
peut s’inspirer. Il en est de même des pays européens, en particulier la France
et la Belgique.
• L’horizon Asie-Pacifique est méconnu et négligé mis à part le Japon et les
deux Chines. Les autres pays, les « nouveaux dragons » (Corée du Sud,
Singapour, Thaïlande) représentent des « modèles » non à reproduire mais à
imiter. C’est un axe nouveau à explorer sérieusement.
• Le cas particulier des ONGs. D’après les statistiques officielles, elles
seraient au nombre de 419, en application du Décret du 14 septembre 1989
(remplaçant la Loi du 13 décembre 1982). Mais en réalité, ou en compte prés
d’un millier et le nombre s’est accru depuis le séisme du 12 janvier 2010.
5 - LA REFORME DU SERVICE
Nous avons une longue tradition diplomatique dont il ne reste pas des séquelles
intéressantes. Le programme de réforme devra comprendre :
• La formation des diplomates, ce qui pose le problème du recrutement et de la
carrière.
• Un redéploiement du personnel diplomatique : 27 ambassadeurs permanents dont
7 à juridictions multiples, mais avec un déséquilibre au projet de l’Amérique
Latine (10), l’Europe (8), 3 en Amérique du Nord, 2 seulement en Asie, 1 au
Moyen Orient ; en Afrique, 54 pays, nous avons un ambassadeur au Benin, un en
Afrique du Sud, un non résident au Sénégal ; dans la Caraïbe des non résidents
aux Bahamas et à la Barbade.
Certes, ouvrir des missions et les entretenir coute cher, aussi il conviendra
d’harmoniser présence et nécessités.
6 - LA MOBILISATION DE NOS COMPATRIOTES de l’extérieur comme agents individuels
ou
organisés en groupes, pour défendre les intérêts du pays. Ils associent la
compétence professionnelle, les contacts utiles et le désir de servir leur
pays.
Le RDNP préconise la mise en œuvre d’une « diplomatie par la diaspora » qu’il
s’agira d’intégrer d’avantage à l’œuvre de reconstruction nationale
A ce sujet, il entend des réformes constitutionnelles juridiques et pratiques
en leur faveur
• Reconnaissance de la double nationalité ;
• Extension du droit du sang à leurs enfants ;
• Aménagement des dispositifs leur permettant de voter à partir de l’étranger ;
• Reconnaissance de l’éligibilité à des postes politiques, avec renonciation à
la deuxième nationalité ;
• Réservation de quelques postes pour les haïtiens de l’étranger au sein du
Sénat de la République ;
• Réaménagement de la structure des Conseils municipaux afin d’intégrer une
représentation des « associations des originaires »des villes de province qui
fonctionnent à l’étranger.
Ce programme de Gouvernement n’est pas figé, mais interactif.
Le RDNP n’a pas le monopole des compétences et des valeurs citoyennes.
Il attend de nos compatriotes des réactions, des suggestions, des propositions
d’enrichissement.